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L’hivernage du glaïeul d’Abyssinie

L’hivernage est une étape cruciale dans le cycle de vie du glaïeul d’Abyssinie, déterminant sa survie et la qualité de sa floraison pour l’année suivante. Originaire des hauts plateaux d’Éthiopie, cette plante possède une rusticité limitée qui la rend vulnérable aux hivers rigoureux de nombreux climats tempérés. La réussite de sa conservation durant la saison froide repose sur une série de gestes précis, allant de la décision de laisser les cormes en terre ou de les arracher, jusqu’aux conditions optimales de stockage. Une bonne gestion de cette période de dormance est la clé pour préserver le capital végétal et s’assurer de retrouver, été après été, le charme unique de ses fleurs parfumées.

Évaluer la rusticité et prendre une décision

La première question à se poser à l’approche de l’automne est de savoir si l’on doit laisser les cormes de glaïeul d’Abyssinie en pleine terre ou les déterrer. La réponse dépend entièrement du climat de la région. Cette plante est considérée comme semi-rustique et peut supporter des températures négatives allant jusqu’à environ -5°C, à la condition expresse que le sol soit parfaitement drainé. Dans les régions bénéficiant d’un climat océanique doux ou méditerranéen, où les gelées sont rares et de faible intensité, il est tout à fait possible de les laisser en terre.

Si l’on opte pour l’hivernage en pleine terre, une protection supplémentaire est fortement recommandée. Après avoir coupé le feuillage jauni et sec à ras du sol, il est judicieux de recouvrir la zone de plantation d’une épaisse couche de paillis protecteur, d’environ 15 à 20 centimètres d’épaisseur. Les feuilles mortes, la paille, les frondes de fougères ou un compost grossier sont d’excellents matériaux. Ce paillis agit comme un isolant, protégeant les cormes des variations de température et des gels les plus profonds. Il faudra penser à retirer ce paillis progressivement au printemps suivant pour permettre au sol de se réchauffer.

Dans toutes les autres régions où les hivers sont plus froids et les températures descendent régulièrement en dessous de -5°C, ou si le sol a tendance à être humide en hiver, l’arrachage des cormes est impératif. Tenter de les laisser en terre dans ces conditions se solderait presque certainement par leur pourrissement ou leur destruction par le gel. La culture en pot offre une solution intermédiaire pratique, car il suffit alors de rentrer le pot dans un abri hors gel sans avoir à manipuler les cormes.

La décision doit donc être prise en connaissance de cause, en se basant sur une bonne connaissance de son propre microclimat. Il vaut mieux pécher par excès de prudence et arracher les cormes en cas de doute, plutôt que de risquer de perdre la totalité de sa collection. L’arrachage, bien que demandant un peu de travail, est la méthode la plus sûre pour garantir la conservation des glaïeuls d’Abyssinie dans la majorité des climats.

Le processus d’arrachage et de préparation

Le moment idéal pour arracher les cormes se situe à l’automne, après les premières gelées légères mais avant les grands froids. La gelée aura pour effet de faire jaunir et sécher le feuillage, signalant que la plante est bien entrée en dormance et que le corme a fini de reconstituer ses réserves. Il faut attendre que le feuillage soit au moins majoritairement jaune avant d’intervenir. Couper le feuillage trop tôt priverait le corme d’une partie de l’énergie nécessaire à sa survie et à la floraison de l’année suivante.

Pour déterrer les cormes, il est préférable d’utiliser une fourche-bêche plutôt qu’une bêche classique, afin de réduire le risque de les blesser. Il faut piquer l’outil dans le sol à une distance respectable de la base de la plante pour ne pas transpercer les cormes, puis soulever délicatement la motte de terre. Une fois la motte extraite, on peut secouer doucement l’excédent de terre, en prenant soin de ne pas détacher les bulbilles qui peuvent être encore attachées au corme principal.

Après l’arrachage, il est conseillé de couper les tiges et le feuillage à environ 5 à 10 centimètres au-dessus du corme. Il ne faut pas les nettoyer à l’eau, car l’humidité est l’ennemi numéro un durant le stockage. L’étape suivante est celle du séchage, aussi appelée « curage ». Elle consiste à étaler les cormes en une seule couche dans un endroit sec, bien ventilé, à l’abri du soleil direct et du gel, comme un garage, un abri de jardin ou une véranda non chauffée.

Cette période de séchage doit durer environ deux à trois semaines. Elle permet à la terre restante de sécher et de tomber plus facilement, et à la surface des cormes de durcir, ce qui les protège contre les maladies de conservation. C’est une étape essentielle qui ne doit pas être négligée. Un bon séchage est la garantie d’un stockage réussi et prévient le développement de moisissures pendant l’hiver.

Le nettoyage et le tri des cormes

Une fois la période de séchage terminée, il est temps de procéder au nettoyage final des cormes. On peut maintenant retirer facilement les restes de terre sèche avec les doigts ou une brosse douce. C’est aussi le moment de couper les restes de tiges au ras du corme. En observant attentivement la base du corme, on peut remarquer l’ancien corme de l’année précédente, qui est maintenant desséché et plat. Il peut être retiré sans effort, ne laissant que le nouveau corme, ferme et bombé, qui s’est développé au-dessus.

C’est également l’occasion idéale pour trier et séparer les bulbilles. Ces petits cormes, qui se sont formés autour du corme principal, peuvent être délicatement détachés. Il est judicieux de les séparer par taille. Les plus gros pourront être stockés et plantés l’année suivante pour continuer leur croissance, tandis que les plus petits peuvent être conservés à part. Ce tri facilite la gestion de la plantation au printemps suivant, en permettant de créer des zones de « pépinière » pour faire grossir les jeunes cormes.

Ce nettoyage est aussi un moment crucial pour une dernière inspection sanitaire. Chaque corme doit être examiné individuellement pour détecter le moindre signe de maladie ou de blessure. Tout corme présentant des taches, des zones molles, des moisissures ou des galeries de ravageurs doit être impérativement jeté. Ne conserver que des cormes parfaitement sains et fermes est la meilleure façon d’éviter que les problèmes ne se propagent durant le stockage et de garantir une bonne reprise au printemps.

Pour une protection supplémentaire, certains jardiniers choisissent de poudrer légèrement les cormes avec un fongicide en poudre, comme du soufre. Cette précaution peut aider à prévenir le développement de champignons pendant l’hiver. Il suffit de placer les cormes et une petite quantité de poudre dans un sac en papier et de secouer doucement pour les enrober d’une fine pellicule protectrice.

Les conditions de stockage optimales

Le choix du contenant et du lieu de stockage est la dernière étape, mais non la moindre, de l’hivernage. Les cormes doivent être conservés dans un matériau qui permet une bonne circulation de l’air pour éviter l’accumulation d’humidité. Les filets à légumes, les sacs en papier, les boîtes à œufs en carton ou les caisses en bois peu profondes sont d’excellentes options. Il faut éviter à tout prix les sacs en plastique ou les contenants hermétiques qui favoriseraient la condensation et la pourriture.

Les cormes peuvent être placés en une seule couche dans les caisses, ou être séparés par un substrat sec et aéré comme de la vermiculite, de la tourbe sèche, du sable ou même des copeaux de bois. Ce substrat aide à isoler les cormes les uns des autres, limitant la propagation d’éventuelles maladies et maintenant une humidité ambiante stable. Le stockage en vrac sans séparation est possible, mais il demande une surveillance plus accrue.

Le lieu de stockage idéal doit être frais, sec, sombre et à l’abri du gel. Une température constante, comprise entre 5°C et 10°C, est parfaite. Une cave bien ventilée, un garage non chauffé mais isolé, ou un cellier sont des endroits tout indiqués. Il faut éviter les endroits sujets à de grandes variations de température ou à l’humidité, comme les abris de jardin mal isolés. Une température trop élevée pourrait inciter les cormes à germer prématurément, tandis qu’une température trop basse pourrait les endommager.

Enfin, même bien stockés, il est sage d’inspecter les cormes une ou deux fois pendant l’hiver. Cette vérification rapide permet de s’assurer que tout se passe bien et de retirer immédiatement tout corme qui commencerait à moisir ou à se ramollir. En respectant scrupuleusement ces conditions, les cormes de glaïeul d’Abyssinie passeront l’hiver sans encombre, prêts à être replantés au printemps pour offrir une nouvelle saison de floraison enchanteresse.

📷 Flickr / Szerző: Stefano / Licence: CC BY-NC-SA 2.0

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