Les maladies et les ravageurs du châtaignier

Le châtaignier, malgré son allure robuste et sa grande longévité, n’est pas à l’abri des agressions de maladies et de ravageurs qui peuvent parfois compromettre sa santé, voire sa survie. Connaître les principaux ennemis de cet arbre est la première étape pour mettre en place des stratégies de prévention et de lutte efficaces. De la redoutable maladie de l’encre qui s’attaque aux racines, au chancre de l’écorce qui décime les branches, en passant par le cynips qui déforme ses bourgeons, chaque menace requiert une vigilance constante et une approche adaptée. Une gestion proactive, privilégiant les méthodes préventives et les interventions respectueuses de l’environnement, est la clé pour préserver la vitalité des châtaigniers et la pérennité des vergers.
Le chancre de l’écorce
Le chancre de l’écorce, causé par le champignon pathogène Cryphonectria parasitica, est l’une des maladies les plus dévastatrices du châtaignier. Originaire d’Asie, ce champignon a provoqué des hécatombes dans les populations de châtaigniers américains et européens au cours du 20ème siècle. L’infection se produit généralement via une blessure sur l’écorce, qu’elle soit naturelle (fissure de gel, chute de branche) ou artificielle (taille, blessure mécanique). Une fois installé dans les tissus de l’arbre, le champignon se développe rapidement et forme un chancre, une zone nécrosée et déprimée sur l’écorce.
Les symptômes du chancre de l’écorce sont assez caractéristiques. On observe d’abord un flétrissement soudain des feuilles sur une ou plusieurs branches, qui restent attachées à l’arbre même après leur mort, un phénomène appelé marcescence. En inspectant la base de la branche atteinte, on découvre un chancre de couleur orangée à brunâtre, souvent boursouflé et fissuré. Sous l’écorce, le cambium est détruit, ce qui interrompt la circulation de la sève et provoque le dépérissement de toute la partie de l’arbre située au-dessus du chancre. De petites pustules orange vif, les fructifications du champignon, sont souvent visibles sur le chancre.
La lutte contre le chancre de l’écorce est complexe. La première mesure est préventive : il faut éviter de blesser les arbres et désinfecter systématiquement les outils de taille entre chaque arbre. En cas d’infection déclarée sur une branche, la seule solution curative est de la couper bien en dessous de la zone atteinte, jusqu’à retrouver du bois sain, et de brûler immédiatement les parties malades pour éviter la dissémination des spores. Pour les chancres situés sur le tronc, qui ne peuvent être coupés, une technique de curetage consiste à enlever toute l’écorce malade jusqu’au bois sain, puis à appliquer un mastic cicatrisant.
Heureusement, la recherche a permis de développer des méthodes de lutte biologique. La plus prometteuse est l’hypovirulence, qui consiste à introduire dans le chancre des souches du même champignon mais qui sont elles-mêmes « malades », infectées par un virus qui atténue leur agressivité. Ces souches hypovirulentes peuvent alors se propager et contaminer les souches virulentes, ce qui permet au chancre de cicatriser. La sélection de variétés résistantes ou tolérantes au chancre, comme les hybrides euro-japonais (variétés Marigoule, Bournette, etc.), est également une stratégie préventive de premier plan pour les nouvelles plantations.
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La maladie de l’encre
La maladie de l’encre, causée par des micro-organismes du genre Phytophthora, principalement Phytophthora cinnamomi et Phytophthora cambivora, est une autre affection redoutable du châtaignier. Ce pathogène, qui appartient à la famille des oomycètes, s’attaque au système racinaire de l’arbre, provoquant son pourrissement. La maladie se développe préférentiellement dans les sols lourds, compacts et mal drainés, qui restent saturés d’eau pendant de longues périodes. Les conditions d’asphyxie du sol favorisent la prolifération et la dissémination du pathogène.
Les symptômes de la maladie de l’encre se manifestent d’abord par un dépérissement général de l’arbre. Les feuilles jaunissent, sont plus petites que la normale et tombent prématurément, donnant à la couronne un aspect clairsemé. La croissance de l’arbre est fortement ralentie et la production de fruits diminue ou s’arrête. Le symptôme le plus caractéristique, qui donne son nom à la maladie, est un suintement noir-violacé ressemblant à de l’encre, qui apparaît à la base du tronc. En dégageant la terre au niveau du collet, on peut observer que les racines sont noires et pourries.
Il n’existe malheureusement pas de traitement curatif efficace une fois que l’arbre est sévèrement atteint par la maladie de l’encre. La prévention est donc la seule arme véritable. Le choix du site de plantation est absolument crucial : il faut impérativement planter le châtaignier dans un sol léger, profond et très bien drainé, et éviter à tout prix les terrains argileux et hydromorphes. Améliorer le drainage du sol par des travaux de terrassement ou des apports de matériaux drainants avant la plantation peut être un investissement judicieux dans les zones à risque.
La lutte contre la maladie de l’encre passe aussi par l’utilisation de porte-greffes résistants. La recherche agronomique a permis de sélectionner des hybrides, notamment issus de croisements entre le châtaignier européen (Castanea sativa) et le châtaignier japonais (Castanea crenata) ou chinois (Castanea mollissima), qui présentent une bonne résistance au Phytophthora. L’utilisation de ces porte-greffes résistants (comme les clones Marsol, Maraval ou Comballe) sur lesquels sont greffées les variétés fruitières traditionnelles est aujourd’hui la solution la plus sûre pour s’affranchir de cette maladie dans les nouvelles plantations.
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Le cynips du châtaignier
Le cynips du châtaignier (Dryocosmus kuriphilus) est un insecte ravageur d’origine asiatique qui est devenu l’un des principaux ennemis de la châtaigneraie européenne au cours des dernières décennies. Il s’agit d’une minuscule guêpe qui pond ses œufs à l’intérieur des bourgeons du châtaignier durant l’été. Au printemps suivant, le développement des larves à l’intérieur du bourgeon provoque la formation d’une galle, une excroissance anormale de tissus végétaux, de couleur verte ou rosée, qui ressemble à une petite boule boursouflée.
Les dégâts causés par le cynips sont indirects mais peuvent être très importants. La formation de la galle empêche le développement normal du bourgeon, qui ne produira ni rameau, ni feuille, ni fleur. En cas de forte infestation, une grande partie des bourgeons de l’arbre peut être transformée en galles, ce qui entraîne une réduction drastique de la surface foliaire. Cette perte de feuillage affaiblit considérablement l’arbre par diminution de la photosynthèse, et provoque une chute de production de châtaignes qui peut atteindre 60 à 80% dans les cas les plus graves.
La lutte contre le cynips du châtaignier est particulièrement difficile car la larve est protégée à l’intérieur de la galle, la rendant inaccessible aux traitements insecticides conventionnels. De plus, l’utilisation de produits chimiques est souvent proscrite dans les châtaigneraies qui sont des écosystèmes riches en biodiversité. La suppression manuelle des galles sur les jeunes arbres peut aider à limiter l’infestation, mais cette méthode est inapplicable sur des arbres de grande taille ou dans un verger.
La stratégie de lutte la plus efficace et la plus respectueuse de l’environnement est la lutte biologique. Elle repose sur l’introduction et l’acclimatation d’un insecte parasitoïde spécifique du cynips, le Torymus sinensis, lui aussi originaire d’Asie. Cette petite guêpe pond ses propres œufs à l’intérieur des galles du cynips, et sa larve se développe en se nourrissant de la larve du cynips, la tuant. Après plusieurs années d’introduction, les populations de Torymus sinensis finissent par s’établir et par réguler naturellement les populations de cynips, ramenant les niveaux d’infestation à un seuil économiquement acceptable.
Le carpocapse des châtaignes et autres vers
Le carpocapse des châtaignes (Cydia splendana) est un papillon dont la larve, un petit ver blanchâtre à tête brune, se développe à l’intérieur du fruit, le rendant impropre à la consommation. Les papillons adultes volent en été et pondent leurs œufs sur les jeunes bogues. Après l’éclosion, la jeune chenille pénètre à l’intérieur de la bogue puis de la châtaigne, où elle se nourrit de l’amandon pendant plusieurs semaines. Le fruit attaqué présente un petit trou d’entrée, souvent difficile à voir, et à l’intérieur, on trouve la larve et ses déjections.
Les dégâts causés par le carpocapse peuvent être considérables, affectant une part importante de la récolte. La présence de vers dans les fruits déprécie totalement leur valeur commerciale et rend le tri des châtaignes fastidieux. Un autre ravageur similaire est le balanin des châtaignes (Curculio elephas), un petit charançon dont la femelle utilise son long rostre pour percer la bogue et pondre ses œufs directement dans la châtaigne en formation. La larve, un ver blanc et apode, se développe également à l’intérieur du fruit.
La lutte contre ces vers des fruits est principalement préventive. Une mesure simple et efficace consiste à ramasser très régulièrement les châtaignes dès qu’elles tombent au sol, tous les un à deux jours. Cela permet de récolter les fruits avant que la larve n’ait eu le temps de quitter la châtaigne pour aller s’enfouir dans le sol où elle passera l’hiver. Le ramassage et la destruction des fruits véreux tombés prématurément contribuent également à réduire la population de ravageurs pour l’année suivante.
Des méthodes de lutte biologique et de biocontrôle peuvent être mises en place dans les vergers. L’installation de pièges à phéromones permet de capturer les papillons mâles du carpocapse, ce qui aide à suivre l’évolution des vols et à positionner les traitements au moment le plus opportun. L’utilisation de nématodes entomopathogènes, des vers microscopiques qui parasitent les larves dans le sol, peut être une solution pour réduire les populations hivernantes. Enfin, le fait de laisser des poules ou des cochons parcourir le verger après la récolte peut aider à nettoyer le sol en consommant les larves qui s’y sont réfugiées.
Les mesures préventives et la gestion intégrée
La meilleure stratégie pour lutter contre les maladies et les ravageurs du châtaignier est d’adopter une approche préventive et une gestion intégrée du verger. Cela commence par le choix de planter des variétés reconnues pour leur résistance ou leur tolérance aux principaux problèmes sanitaires, comme le chancre ou la maladie de l’encre. La plantation dans un site adapté, avec un sol et une exposition qui correspondent parfaitement aux exigences de l’arbre, est également une condition fondamentale pour avoir des arbres forts et donc moins sensibles aux agressions.
Des pratiques culturales saines sont essentielles pour maintenir la vigueur des arbres. Une taille bien conduite, qui favorise l’aération de la couronne, limite le développement des maladies fongiques en réduisant l’humidité stagnante sur le feuillage. Une fertilisation équilibrée, sans excès d’azote, évite de produire des tissus tendres et fragiles qui sont plus attractifs pour les pucerons et autres ravageurs. Une bonne gestion de l’eau, sans excès ni manque, permet d’éviter le stress hydrique qui affaiblit les défenses naturelles de l’arbre.
La prophylaxie, c’est-à-dire l’ensemble des mesures visant à empêcher l’apparition et la propagation des maladies, est un pilier de la gestion sanitaire. Cela inclut la désinfection systématique des outils de taille entre chaque arbre, la suppression et la destruction par le feu des branches malades, des chancres et des fruits momifiés. Le ramassage méticuleux des feuilles et des fruits tombés au sol en automne permet d’éliminer une grande partie des formes hivernantes des pathogènes et des ravageurs, réduisant ainsi la pression d’infection pour la saison suivante.
Enfin, favoriser la biodiversité au sein du verger est une stratégie gagnante à long terme. La plantation de haies diversifiées, l’installation de nichoirs pour les oiseaux insectivores, le maintien de bandes fleuries pour attirer les insectes auxiliaires (comme les syrphes, les coccinelles ou les parasitoïdes) créent un écosystème plus équilibré où les populations de ravageurs sont naturellement régulées. Cette approche de gestion intégrée, qui combine toutes ces méthodes, permet de limiter au maximum le recours aux traitements chimiques et de produire des châtaignes saines dans un environnement préservé.